...Jean Le Hénaff, journaliste
Isabelle Béné met Camille Claudel sur le devant de la Seine
Issue d’une famille de marins et d’armateurs paimpolais, Isabelle Béné a toujours adossé son art au vent de ses souvenirs d’enfance. Et c’est la galerie Marie de Holmsky, qui va servir d’écrin à sa nouvelle exposition qui ne manque pas de sel. Une expo, à dominante bleu-mer, qui embarque à son bord, une passagère très célèbre. C’est à quelques encablures de la Seine, que l’artiste illustre, en modelages, les paysages intérieurs de Camille Claudel… et leurs méandres.
Isabelle Béné a déjà exposé, au Japon, au musée national de Corée du Sud, en Mongolie et dans bien d’autres pays du monde. Attirée par le dessin et la sculpture, prise par une fièvre créatrice, dès l’âge de 4 ans, elle livre ici au visiteur l’histoire d’une vie.
Entre obscurité, luminosité et profondeur
Posée sur une table, une sculpture or qui a osé dévoiler ses courbes lors d’une expo à Téhéran, met du Moyen-Orient dans son récit de voyage. Pour toujours et encore évoquer en spirales, dans son intériorité, le féminin de l’être.
Autre coquillage et autre message quand il en ressort, du noir des profondeurs, une tête, le regard tourné vers l’intérieur.. Une création sous-marine surprenante qui a reçu un 1er prix du public dans un salon international de sculpture.
Une seule de ses œuvres ne sera jamais visible à Paris. Il s'agit de la Vierge noire qu'elle a dédiée au monde très fermé des gitans. Elle est fabriquée avec de la houille des mines de Silésie, qu'elle est allée chercher à 1 000 mètres de profondeur dans les entrailles de la terre. Et elle est exposée dans un lieu sacré.
Parmi toutes ces sculptures, Camille Claudel, où est-elle ? Isabelle Béné l’a résolument voulue, là où on ne l’attend pas. La présence de son absence est dans chacune de ses créations. L’une d’entr’elles est à vous couper le souffle. Elle représente le cri étouffé de Camille, sous le voile de l’oubli.
… Hélène Bouvard, journaliste
Un sculpteur, tel un alchimiste qui travaille au grand’œuvre, opère des transformations sur lui-même et se découvre au fur et à mesure qu’il dépouille et parfait son art. il transmet sa découverte à son matériau dont les formes s’épurent et racontent son histoire. À ce prix, et à ce prix seulement il est un véritable artiste.
Depuis ses premières expositions, Isabelle Béné, tantôt consciemment, tantôt souterrainement, tantôt par explosions, a réalisé cette transformation et nous l’espérons inachevée car elle a encore beaucoup à dire et à exprimer.
Aussi nous passons de l’étrange et de l’angoissé des premières sculptures en plâtre et matières nouvelles peintes, aux têtes épurées de divinités actuelles qui crient la féminité et son accent tragique, mais aussi la féminité dans sa puissance tellurique. Nous passons du surréalisme à une révélation profonde avec les visages qui crient leur mystère et dont les yeux de pierre dure et précieuse ne raconteront l’essentiel qu’à ceux qui les regarderont assez longtemps et sans précipitation.
Au départ, Isabelle Béné était architecte, aussi tout est non seulement modelé mais construit et cette construction vise l’harmonie même si cette harmonie ne néglige pas la terreur du chaos ; mais tout cela aboutit à des coquilles parfaites dont la spirale dégage, telle un mer ou une matrice surhumaine, un corps de déesse naissante.
Isabelle Béné, sur le chemin de sa propre découverte, de son arrachement à l’angoisse, de sa libération des ombres, atteint dans sa sculpture une dimension hiératique, une histoire digne des thèmes antiques où la tragédie de la démesure, rejoint l’harmonie, la beauté dans la forme pure de l’extase sereine.
... Claude Mesmin, docteure en psychologie clinique
Inutile de relire tous les hommages que cette amie sculptrice a déjà reçus.
J’aimerais être poète pour exprimer mes émotions devant ses sculptures. En feuilletant le dossier qu’elle m’a laissé quelques jours, je suis fascinée par la diversité de ses sculptures, celle des couleurs, et celle des matières.
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- L’or qui rehausse l’éclat de la piste du Goëland, aile attachée mais prête à s’envoler ;
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- le vol d’or, magnifique embrasement de deux oiseaux ;
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- l’oiseau solaire posé, ailes pleinement déployées sur un mur céleste.
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- Le blanc qui éclate dans le coquillage, dont la rotation est accentuée par les lignes courbes qui converge vers une profondeur abyssale au risque de s’y perdre ;
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- le blanc encore dans cet autre coquillage, qui absorbe le corps d’une femme nue et abandonnée en se laissant porter vers la profondeur de l’océan ;
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- le blanc une fois encore dans cette spirale, dont la main sur le fuseau terminal arrache un bout de ciel, une envolée vers des lieux aériens très lointains ;
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- le blanc toujours pour l’augure des Pawnee, oiseaux ou feuilles juxtaposés, prêts à rejoindre dans cette tribu indienne l’Étoile du Matin qui préside à la végétation et à l’agriculture ;
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- le blanc bleuté de ce joli visage de Mademoiselle O., légèrement incliné et dont le voile encadre ce visage pensif ;
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- toujours en blanc bleuté, cet au revoir qui j’espère, nous conduit vers d’autres beautés, que nous attendons avec impatience.
Isabelle Béné nous fera encore rêver, voyager,
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- de la Thaïlande d’où elle a rapporté les feuilles d’or ;
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- aux mines de houille en Silésie où des mineurs, à 1000 mètres de profondeur, lui ont offert ce minerai végétal si noir dont les éclats scintillent à la lumière et qu’elle a transformé en une vierge noire aux yeux en « œil de tigre », pierre aux reflets dorés ;
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- au travertin de Perse, dont les reflets roses magnifient le visage modelé d’une femme ;
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- à la poudre de pierre, venue d’Italie, agglomérée de marbre collé par la résine ;
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- de Chiraz et d’Ispahan, des poudres colorées permettent de teinter certaines sculptures ;
Isabelle Béné cherche les sources du féminin, passionnée par l’Inde et ses rites, ses lectures et son origine celte par sa mère. Elle se passionne pour « le féminin de l’être » que symbolise le mot Yin en Asie. Elle rend hommage à la licorne dont la corne, faite de deux spirales entrelacées, représente la dualité ; dans le livre des morts : les tibétains y situent le passage de notre âme de la vie à l’après-vie. Isabelle Béné embellit son art de toute sa quête quand au devenir de la femme et de l’homme sans oublier le passé et le présent qui nourrissent son inspiration.